Blaise Moussa, consommez-vous l’eau qui sort des robinets de la Camwater ?
Evidemment. Même si l’eau a souvent eu des couleurs variées, elle a toujours été de bonne qualité.
Vous croyez donc en la potabilité de l’eau sortie de la station de traitement d’Akomnyada ?
La potabilité de cette eau est garantie et elle va continuer d’être améliorée jusqu’à atteindre l’optimum le plus élevé.
Monsieur le directeur général, vous avez été porté à la tête de Camwater le 30 septembre 2022. Vous héritez d’une entreprise qui, depuis trois ans, affiche un déséquilibre entre charges ordinaires et recettes. Comment comptez-vous corriger cet état de choses ?
Permettez-moi avant tout propos d’exprimer toute ma gratitude au chef de l’Etat pour la confiance qu’il m’a accordée. Quelque soit la qualification qu’on donnera des éléments de caractérisation des ratios de Camwater, il sera toujours vrai que c’est une particularité qu’un fils de Bétaré-Oya qui vient d’aussi loin ait pu être honoré de la très haute confiance du chef de l’Etat. C’est un élément d’encouragement et nous allons nous mettre au travail afin de pouvoir inverser la courbe.
La première chose à faire est davantage de stabiliser la situation mais également de travailler à un plan de développement et ceci afin que nous passions à une performance telle que la Camwater devienne capable de ne plus être un poids pour les finances publiques. Il s’agit davantage pour l’entreprise de répondre à son objet social au profit des populations.
A peine installé et déjà sur le terrain. Vous venez d’effectuer une visite de travail dans la station de traitement d’Akomnyada. Que retenir de cette visite ?
Dans un premier temps, il faut retenir qu’une entreprise est un nœud de contrats. Il y a un ensemble d’intérêts qui peuvent se poser et se croiser. Donc, il n’y a pas un seul point qui puisse être la priorité, la priorité étant toute chose qui permet d’aller vers la satisfaction des besoins des consommateurs.
Aujourd’hui, la question qui a été posée ces derniers temps est celle de la production de l’eau en quantité suffisante et de qualité. Et il s’est également posé un problème de qualité des produits de traitement de l’eau. Est-ce qu’ils répondaient aux normes ? La réponse a été donnée et la solution a été trouvée par un approvisionnement en quantité suffisante aux fins de répondre de manière optimale au besoin de purifier l’eau pour que la santé et la sécurité des populations soient garanties.
Il y a des besoins d’amélioration de la gouvernance et nous n’arrivons pas dans une situation qui n’a pas pu être diagnostiquée. Il y a eu un minimum de diagnostic et c’est pour ça que le ministre de l’Eau et de l’Energie nous a prescrit une feuille de route qui est tout un programme. Nous suivons cette feuille de route en y mettant un peu du nôtre et davantage de l’engagement. Les résultats vont commencer à poindre. Ce n’est pas une œuvre personnelle mais collective. La connaissance et le savoir sont collectifs. La performance devrait donc être une affaire d’équipe.
Sur le terrain, manifestement, Camwater peine à satisfaire ses abonnés du fait des dysfonctionnements techniques et opérationnels. Quelle stratégie comptez-vous mettre en place faire retomber la tension sociale latente ?
La stratégie qu’il faut mettre en place consiste répondre à très court terme à ce qui nous tombe sur le nez immédiatement. Il s’agit de l’élaboration d’un plan de sauvegarde, mieux une tactique de sauvegarde, parce que, contrairement au plan qui est sur le long terme, la tactique vise à résoudre un problème à court terme. Pour autant, nous aurons le moyen terme qui consistera à améliorer tous les ratios. Il faudra mettre en place un tableau de bord des indicateurs de performances tant sur le plan de la qualité que de la quantité. Nous devrons être capables de travailler à envisager d’être certifiés aux normes des ISO.
Jusqu’ici, ce n’est pas certifié ?
Nous allons travailler à être certifiés et que nos partenaires stratégiques puissent aussi être certifiés. Certifiés sur les compétences de ceux qui travaillent dans différentes entités. Certifiés par rapport à nos process. Certifiés sur les produits qui seront délivrés c’est-à-dire nos livrables. Mais également, nous devons être sûrs qu’il y a des normes d’application obligatoires au Cameroun concernant les produits du traitement de l’eau. C’est pour ça que nous avons annoncé que nous allons renforcer notre partenariat avec l’Agence des normes et de la qualité (Anor) en sorte que, rapidement, lesdites normes puissent être élaborées, adoptées, publiées et rendues d’application obligatoire pour arrêter aux portes du Cameroun les produits de traitement de l’eau qui ne sont pas de qualité.
Le rendement de distribution se situe aujourd’hui autour de 48%. Ce qui signifie que plus de la moitié de l’eau injectée dans le circuit de distribution se retrouve dans la nature. Ce qui crée un déséquilibre entre les charges de l’entreprise et ses recettes. Monsieur le Dg, vous vous trouvez là interpellé par des populations assoiffées. La Camwater dispose-t-elle aujourd’hui du potentiel nécessaire pour contrôler les vannes ? Contrôler ces pertes ?
Vous évoquez là la dimension technique de l’entreprise. Mais il y a la dimension socio-morale si vous me permettez l’expression. Cette dimension que j’évoque porte sur la fraude. Nous allons travailler à maitriser les réseaux en déployant davantage de personnels pour faire reculer cette fraude.
Dans les quartiers ?
Dans les quartiers, je puis l’affirmer. Nous allons concevoir un système d’information géographique qui va être déployé. Nous ne perdons pas de vue qu’il nous faudra du temps pour cela. Heureusement, nous avons la pleine confiance du gouvernement qui tient à ce que ce secteur soit assaini.
Peut-on dire qu’avec vous, ce sera le début de la traque dans les quartiers ?
Nous n’allons pas commencer par la répression mais plutôt par de la pédagogie. Celle-ci va consister en l’éducation des masses. Il ne sera pas seulement question de l’instruction mais de permettre aux populations de s’habituer à la nouvelle donne. Nous en sommes bien capables. Nous avons travaillé sur un petit ratio et nous avons compris que, par exemple, à Messamendongo, sur 9 mois, les populations abonnées dépensaient 5 600 FCFA. Ce qui est largement en-deçà de ce qu’elles consomment.
Je crois que nous devons sensibiliser les uns et les autres sur leurs propres responsabilités sociétales.
Il faut donc un travail de communication…
Tout à fait. Un travail de communication dont l’objectif est l’adhésion des uns et des autres. Et aujourd’hui, nous sommes heureux de savoir que les associations de consommateurs dans le secteur travaillent elles-mêmes à sensibiliser leurs membres en faisant une traque morale faute de moyens coercitifs à cet effet.
Mais il ne s’agit pas seulement de la fraude. Il s’agit également du refus de payer. Cette situation sera adressée et nous allons toujours passer d’abord par la sensibilisation. J’en profite pour demander aux débiteurs de la Camwater de manifester de la bonne volonté et d’aider cette entreprise à retrouver au fur et à mesure de l’embellie par leurs contributions à travers le paiement de leurs factures. Il serait désagréable de leur créer des désagréments. Nous allons passer aux procédures simplifiées de recouvrement suivant les règles de l’Ohada avant d’entamer les recouvrements forcés afin que Camwater rentre dans ses droits.
Quel est votre plan d’eau ?
Nos priorités ne seront pas isolées. Elles seront centrées, axées et encrées sur celles de la stratégie gouvernementale dans le sous-secteur. Nous n’allons pas inventer la roue mais, par le management, nous allons pouvoir apporter notre touche à la réalisation des objectifs afin d’être nous-mêmes capables d’avoir le bénéfice d’une évaluation positive de la part du gouvernement qui se donne de fournir à son instrument qu’on appelle Camwater de disposer des moyens de toute nature pour remplir son objet social.
Source : « Dimanche Midi », CRTV