[Ecogreen Afrik, 17 juillet 2022] Selon différentes sources, dans le cadre d’une « dénonciation de l’Agence nationale d’investigations financières (ANIF) contre Véronique Ngo Yinda épouse Djame », en mars 2021, le tribunal criminel spécial (TCS), a convoqué six responsables d’Eneo Cameroun SA, le concessionnaire public de l’énergie électrique au Cameroun. Il s’agit du directeur des approvisionnements, Leslie Chebienka, du directeur de la production, Amadou Bivoung, du directeur central des activités techniques, Eugène Nguéha, du sous-directeur de la maintenance des centres Eneo, Jean-Louis Betoko Ambassa Echichi, du responsable de la production à l’Est, Emmanuel Bienvenue Nsangou, et du chef du projet pour la fourniture, l’installation de quatre groupes Caterpillar types 3516B de puissance en fonctionnement en base de 1,6 MW chacun, avec accessoires et pièces de rechanges, à la centrale thermique de Bertoua-TQ1143, Emmanuel Tachago.
La juridiction spéciale devant connaître des affaires de distorsion de l’orthodoxie financière pour des montants supérieurs ou égaux à 50 millions de FCFA voulait auditionner les six mousquetaires sur leur participation preésumée aux manœuvres dolosives ayant permis la soustraction d’1,2 milliard de FCFA des caisses d’Eneo. Selon les accusateurs, cette distraction de fonds publics s’est faite par le moyen d’un marché d’acquisition de quatre groupes électrogènes neufs, de marque Caterpillar 3516B de 1 600 kilowatts (KW) chacun, pour renforcer la capacité de production de la centrale thermique de Bertoua.
Lire aussi : Electricité : l’Etat du Cameroun a déjà remplacé 31 000 poteaux en bois défectueux
Négociations de gré à gré
L’histoire remonte au 11 mai 2017. Ce jour-là, le directeur général d’Eneo Cameroun SA de l’époque, Joël Nana Kontchou, voulant éradiquer les délestages à l’Est du pays, décide de passer « en urgence » et « de gré à gré » avec l’entreprise Asma Sarl le marché mentionné supra. Seulement, de l’avis de certains personnels en service à la centrale thermique de Bertoua, « cette entreprise n’a pas respecté les spécifications techniques des équipements commandés ».
En effet, lors de leur réception provisoire en juin 2018 à Bertoua, des voix s’élèvent contre « des groupes livrés par l’entreprise Asma Sarl ». Un document de dénonciations internes auquel a eu accès Ecogreen Afrik, « Asma Sarl a plutôt fourni des groupes marins vétustes et rénovés avec des couches de peinture, inadaptés pour des centrales thermiques ». Dans cette note d’informations, intitulée « Achat foireux de quatre groupes électrogènes Caterpillar à la centrale thermique de Bertoua », on peut lire que « des employés ayant refusé de signer le procès-verbal (PV) de test de ces groupes livrés par Asma Sarl lorsqu’ils étaient arrivés à la centrale Eneo de Bertoua ». Ils excipent de ce que « leur fréquence est de 60 Hertz (Hz) alors que celle admise au Cameroun est de 50 Hz, la vitesse de rotation de 1 500 tours/minute (tr/mn) et la tension de 400 volts (V) ». Des informations confirmées par plusieurs sources approchées par Ecogreen Afrik dans le cadre de cette enquête.
Lire aussi : De 2010 à 2021, le Cameroun a investi 3 500 milliards de FCFA pour l’électricité
Distraction présumée d’1,2 milliard de FCFA
Sur le document évoqué supra, les « frondeurs » ont pris le soin de noter que « ce document ne fait pas foi de PV définitif, qui lui sera établi sous réserve des résultats des essais en situation réelle ». Ils avaient pris le soin d’en faire part à Asma Sarl en indiquant que « le présent PV est signé pour permettre l’installation, les essais dans le systèle électrique du groupe référencé à la première page et statuer par rapport aux réserves formulées dans la lettre adressée à Asma Sarl le 18 avril 2018 ». Et pour cause, comme les réserves prédisaient, « en situation réelle, ces équipements n’ont pas tenu trois mois ».
Toutes ces jongleries impactent les finances d’Eneo. En effet, soufflent des sources internes, « Eneo Cameroon SA a perdu 1,2 milliard de FCFA parce qu’il a déboursé 4 milliards de FCFA au lieu d’1,8 milliard de FCFA, à raison de 450 millions de FCFA par groupe électrogène Caterpillar à Tractafric ». Des personnels d’Eneo saisissent alors l’ANIF pour dénoncer « une distraction présumée de fonds et le non-respect des indications d’un marché ». L’agence en charge de traquer l’enrichissement illicite au Cameroun transmet le dossier au TCS vers lequel les regards des dénonciateurs restent tournés.
Bernard Bangda