[Ecogreen Afrik, 14 août 2022] Dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 août 2022, au chantier de Kambele situé à environ 5 kilomètres de Batouri, le chef-lieu du département de la Kadéy, région de l’Est Cameroun, quatre personnes sont décédées des suites d’un éboulement dans un trou minier appartenant à Mme Lu, une ressortissante chinoise. Les corps de Youssouf Ngangam, 36 ans, originaire de l’Extrême-Nord, Giovanni Ngambesso, 17 ans, un Kako de Batouri, et Charles Boumzina, 22 ans, ont été retirés des décombres quelques minutes après le drame par les secours organisés par les autorités locales. Alors que nous allions sous presse, l’identité de la quatrième personne, décédée à l’hôpital de district de Batouri dans la journée du dimanche 14 août 2022, n’avait pas encore été révélée.
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Sur les circonstances de ces autres décès par éboulement, nos sources relatent que « c’est aux environs de 2 heures le dimanche que l’accident s’est produit. Les victimes faisaient partie d’un groupe de sept personnes qui se sont introduites nuitamment dans le chantier de Mme Lu pour le « sassayé » comme il est de coutume le lundi ».

C’est que, selon nos sources, « le lundi, pour aider les parents à préparer les rentrées scolaires, cette dame laisse descendre les populations dans son trou pour collecter le gravier dont la poudre à écraser puis laver pour obtenir de l’or ». « Seulement, indiquent les riverains, parce que lundi 15 août 2022, jour férié du fait de l’Assomption, les familles, pour la plupart chrétiennes catholiques, seront occupées, Mme Lu a autorisé l’accès à son trou le samedi. Toute la journée, nous nous sommes donc adonnés au « sassayé ». » Cependant, nos sept « oiseaux de nuit » comptaient parmi ceux des orpailleurs qui n’avaient pas eu cette information. Pour se rattraper, ils ont voulu travailler nuitamment . Mal leur en a pris. La terre les a engloutis.
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Sur le champ, les secours ont sauvé quatre personnes immédiatement prises en charge à l’hôpital de district de Batouri. L’une d’elles décède dans la journée du dimanche 14 août 2022. Son corps rejoint ceux de ses compères à la morgue de cette formation sanitaire en attendant les résultats de l’enquête ouverte par le procureur de la République près les tribunaux d’instance de Batouri.

La mort plane sur Kambele
Depuis le 13 juin 2022, selon diverses sources, « le site de Kambele-Batouri est déjà à huit morts par éboulement ». A l’analyse du fichier actualisé de l’organisation Forêts et Développement rural (Foder) sur les décès dans les sites miniers de l’Adamaoua et de l’Est, depuis 2014, dans ces régions, l’on a enregistré 205 morts, dont 113 par éboulement.
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Le seul site de Kambele a causé la mort de 19 personnes de 2017 à 2021 par éboulement (deuxième derrière le site de Ngoe-Ngoe qui, au cours de la seule année 2017, pointe 21 décès sur les 27 de 2014 à 2017). A Kambele, 10 personnes sont décédées par noyade de 2014 à 2021, soit plus du quart des décès enregistrés (37) au cours de cette période pour la même cause. Par ailleurs, en 2021, 2 personnes, sur les 5 enregistrées sur tous les sites depuis 2019, sont décédées à Kambele « bloquées sous un tunnel », et trois (100%) y ont été tuées par des engins (une par un Chinois par le moyen d’une pelle excavatrice, une autre percutée par un engin d’une entreprise chinoise dont le nom n’a jamais été révélé et une dernière écrasée par un camion benne).

L’ire préfectorale
Autant de morts qui avaient provoqué l’ire du préfet du département de la Kadéy. Le 27 juillet 2022, Djadaï Yakouba avait signé un arrêté fermant toutes les sociétés minières exerçant sur le chantier de Kambele-Batouri. L’autorité administrative excipait, entre autres, « des morts récurrentes de personnes par noyade du fait de la non fermeture des trous miniers après exploitation, des morts récurrentes par éboulement du fait du non-respect des normes d’exploitation minière […] ».
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Malgré cette décision, et alors que les conditions requises pour une exploitation minière ne sont pas encore réunies, Ecogreen Afrik (ECA) a pu se rendre compte de ce que des entreprises minières avaient recommencé à travailler sur ce chantier. Parmi lesquelles celles de Mme Lu qui, à sa guise, interdit et autorise l’accès à ses chantiers aux populations. Au mépris des autorités camerounaises et du danger de mort qui plane au-dessus qui s’y adonnent au « sassayé ».
Bernard Bangda