Les 8 et 9 décembre 2022, le président de la Capef, Martin Mindjos Momeny, achevait par la région de l’Est la première phase de sa tournée à travers le pays. A l’Est, sa région d’origine, il a été à Dimako, ville qui abrite l’Ecole pratique d’agriculture et du bois Mongui Sossomba (Epad-MS) créée en octobre 2021. Sur place, le président de la Capef est descendu sur le site de 200 hectares que la commune a mis à la disposition de cette unité opérationnelle pour son implantation et la réalisation de ses activités.
A Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est du pays, le 9 décembre 2022, au cours d’une réunion publique, Martin Mindjos Momeny a échangé avec tous les acteurs du monde rural pour recueillir leur ressenti des activités menées par la Capef. Occasion pour Ecogreen Afrik d’avoir un entretien avec l’intéressé pour une esquisse bilan de cette tournée et un tour des activités de la structure qu’il dirige.
Vous avez initié une tournée nationale qui s’achève par la région de l’Est. Quel est le bilan que vous en faites ?
Cette tournée nationale était nécessaire dans la mesure où la Capef a connu un certain nombre de contraintes par le passé et avait besoin d’un nouveau souffle pour se relancer. Il m’a paru utile, dans ce cadre, de descendre sur le terrain afin de rencontrer les ressortissants pour partager la nouvelle vision que nous avons formulée en accord avec les membres et transcrite dans la plan de mandature 2021-2026 de la Chambre. Il était également question de venir écouter ces ressortissants et divers autres acteurs de terrain. Enfin, nous venions pour arrêter les projets qu’on se doit d’exécuter dans les meilleurs délais en rapport avec les initiatives du gouvernement et sa olitique d’import substitution.
Il convient de noter à ce sujet que le contexte actuel est très favorable pour ceux qui comme nos membres et ressortissants, sont engagés dans les activités agropastorales et halieutiques. En effet, la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030, la gestion de l’économie mondiale post-Covid-19 et la crise russo-ukrainienne actuelle, offrent de nombreuses opportunités d’investissement et d’affaires aux acteurs agropastoraux et halieutiques qu’il convient de capitaliser. Je suis venu par ailleurs porter à nos membres et ressortissants cette information.
En termes de bilan, je dirais, relativement au partage de la vision, que nous sommes totalement satisfaits en ce que celle-ci est partagée par notre base. Le langage que nous tenions tout au long de notre parcours était cohérent. Nous rentrons également satisfaits de ce que les opérateurs des secteurs qui sont les nôtres ont bien cerné la nouvelle vision que nous avons formulée pour la chambre.
Au demeurant, nous avons été édifiés sur les préoccupations réelles de nos membres et ressortissants. La plupart tourne autour de l’épineuse question du financement du secteur agricole, de l’apport en intrants et en matériels et équipement agricoles, ainsi que sur les problématiques liées à la formation et l’encadrement des acteurs, de même que sur la disponibilité de la main d’œuvre qualifiée.
Nous nous réjouissons enfin de ce que les acteurs ont pu avoir connaissance des actions de relance de la Capef, lesquelles proposent des qui coïncide avec les solutions qu’ils attendaient pour résoudre toutes les questions soulevées.
Comment la Capef entend-elle, sous votre impulsion, capitaliser toutes les potentialités des différentes régions du Cameroun que vous venez de parcourir ?
Il est important de noter, s’agissant de cette question, que le potentiel agropastoral et halieutique régional varie selon qu’on est dans une région ou une autre. Ce qui fait du Cameroun, cette Afrique en miniature souvent décrite par plusieurs observateurs. Cette observation n’est pas seulement touristique, elle aussi et surtout même liée au potentiel de notre agriculture au sens large.
Nous avons pu constater en effet, que chacune de nos régions, représente un paysage agricole d’une région particulière de l’Afrique. Avec ce que nous avons vu, nous pouvons donc affirmer que chaque région de notre pays peut développer une autonomie économique, en exploitant son potentiel agropastoral. Si tout est alors fait dans les règles de l’art, aucune région ne sera à la traîne. Nous nous sommes rendus compte, au regard du potentiel observé, que certaines régions peuvent nourrir tout le pays, tout en dégageant des excédents de productions capables de renforcer le volume des exportations du Cameroun.
Dans la partie septentrionale du pays par exemple, ce que nous avons vu est extraordinaire en termes de potentiel de terres non exploitées, de réserves hydriques (il y a des inondations malgré le fait que les gens pensent qu’il n’y a pas de l’eau), de ressources humaines parce que vous avez des populations essentiellement rurales et acquises à l’activité agropastorale.
Autant de constats qui nous font croire que si au niveau de la Chambre, nous mettons du sérieux dans ce qui est envisagé dans le secteur rural par le gouvernement, l’émergence attendue peut survenir très rapidement, à partir de l’exploitation de notre potentiel dans agriculture, l’élevage, la pêche et de les forêts. Je pense que tout est là. Il suffit simplement de réunir les volontés qui s’expriment tant à l’intérieur qu’à l’extérieur et y apporter par-delà, quelques ingrédients pour que nous y parvenons. C’est ce que nous comptons faire.
C’est pourquoi nous avons été par ailleurs, très attentifs à la question de la conservation et de la transformation des récoltes, dans les grandes zones de production de certaines spéculations, à l’exemple de celle de l’Adamaoua pour les fruits et légumes.
Cette région produit en effet, beaucoup de fruits et légumes, dont plus de la moitié des stocks est perdue du fait de l’absence d’infrastructures de conservation et de transformation. Nous allons donc en accord avec les ministères sectoriels, mettre l’accent à ce niveau, en procédant à la mise en place des unités de conservation et de transformation, adaptés aux exigences techniques locales, pour permettre non seulement d’exploiter ce qui se perd, mais aussi d’ajouter une plus-value utile à l’économie.
« Avec ce que nous avons vu, nous pouvons donc affirmer que chaque région de notre pays peut développer une autonomie économique, en exploitant son potentiel agropastoral. Si tout est alors fait dans les règles de l’art, aucune région ne sera à la traîne. Nous nous sommes rendus compte, au regard du potentiel observé, que certaines régions peuvent nourrir tout le pays, tout en dégageant des excédents de productions capables de renforcer le volume des exportations du Cameroun. »

En retour, qu’attend la Capef de ses ressortissants et membres après cette tournée nationale ?
Ce que nous attendons d’eux est une mobilisation de tous les instants, autour de la Capef, instrument capital que leur a offert le chef de l’Etat. Le président que je suis est disposé à leur apporter tout l’accompagnement nécessaire. Les uns et les autres doivent se mobiliser pour qu’ensemble, nous développions tout le potentiel qu’on a dans les secteurs de notre compétence. La Capef attend de ses membres et ressortissants, qu’ils se mobilisent et s’organisent, pour une exploitation optimale des opportunités qui leur sont offertes dans le contexte de production actuel.
Prenez par exemple, dans le secteur forêt, des mesures importantes ont été prises par le Gouvernement pour arrêter les exportations de grumes afin d’encourager la transformation locale. Cette mesure vient s’ajouter à celle prise il y a quelques années, demandant que 40% de la commande publique des meubles et accessoires des administrations, soit livrée par les entreprises locales. Il s’agit là, de très grosses opportunités pour nos membres, organisées au sein des forets communautaires, qu’il convient de saisir grâce à notre accompagnement.
Nous leur avons fait part de notre vision et attendons qu’ils nous saisissent pour que nous leur permettions de saisir cette heureuse opportunité.
Dans les secteurs de l’élevage et de la pêche, la démarche est la même. Nous avons créé divers projets d’encadrement des investissements des membres ressortissants dans la filière porcine, de la volaille, du bovin, entre autres. Le rôle de ces projets est d’apporter aux membres et ressortissants, une assistance complète, portant sur la maturation de leurs projets d’investissement, l’accompagnement technique, de même que l’appui à la mobilisation des ressources financières, auprès des institutions financières grâce à notre réseau de garanties, de même qu’auprès des différents guichets de l’Etat.
Dans le secteur de la pêche, nous sommes actuellement sur un travail de structuration de nos ressortissants autours des infrastructures que nous sommes en train de créer, soit dans le littoral marin, soit dans certains bassins fluviaux. Je signale qu’il s’agit là, des initiatives portées par les membres et ressortissants. Nous attendons qu’elles se poursuivent pour leur permettre d’améliorer leurs pratiques professionnelles et contribuer ainsi, substantiellement à l’offre de poissons. Dans ce cadre, nous avons reçu mandat de nos membres, de proposer au Gouvernement et aux divers partenaires, des projets de construction des quais de pêches à Tiko, en accord avec le Port Autonome de Limbé, à Moloundou sur la Ngoko, dans le cadre d’un projet sous-régional avec le Congo, à Lom Pangar, à Bibey et à Garoua, pour exploiter le potentiel halieutique fluvial.
Après le tour du Cameroun, quelle est la plus-value des activités des unités opérationnelles que vous avez créées dans le développement du pays ?
D’emblée, je voudrais dire qu’à mon arrivée, la Chambre ne disposait que d’une seule unité opérationnelle, à savoir l’Ecole pratique d’agriculture de Binguela, dont la vocation était de former les ressortissants. Il faut signaler ici que la formation est parmi les premiers besoins exprimés par ces derniers. Ce qui cadre avec l’une de nos missions, à savoir la formation professionnelle. Vous comprenez donc qu’à mon arrivée, nous n’avions qu’une seule unité opérationnelle, je veux dire l’Ecole pratique de Binguela. Celle-ci à elle seule formait les ressortissants de tout le Cameroun. Mes prédécesseurs ont dû, au regard de la demande, créer des antennes à Garoua, Ambam et Dimako, dont le peu d’autonomie rendait les prestations complexes. Sur la base d’une évaluation, nous avons été amenés à e leur donner une autonomie et de créer de nouvelles, pour permettre à chaque région d’être autonome et de former les siens.
L’autre nécessité était liée à la demande en main-d’œuvre agricole. Les exploitants se contentaient de recruter une main-d’œuvre sans qualification dans les villages et dans la rue. Nos écoles donnent alors un minimum de qualifications pour permettre à des agents qui viennent y passer quelques mois, d’apprendre au moins un métier rural. Je me réjouis de ce qu’en un an, certaines de ces écoles sont fonctionnelles et assurent leurs missions avec le professionnalisme attendu.
Comment entendez-vous capitaliser le processus de décentralisation pour implémenter les missions de la CAPEF ? C’est une très bonne question dans la mesure où la CAPEF est une chambre consulaire qui représente les intérêts de nos ressortissants. Si nos membres et ressortissants ont des besoins pour lesquels les solutions viendraient des collectivités locales décentralisées, nous irons les chercher pour les mettre à leur disposition. A cet égard, les collectivités locales sont pour nous un maillon important dans le dispositif d’appui à la Chambre. Il faut dire que nous partageons les mêmes préoccupations dans la mesure où elles sont aussi responsables du développement économique local.
« Nous avons travaillé sur un dispositif de financement et nous continuons à travailler sur les questions de sécurisation des terres. Je voudrais profiter de votre tribune pour remercier le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) qui a mis en place un comité en charge d’apporter des réponses aux préoccupations de nos ressortissants sur tout ce qui concerne le foncier. »

A quelques jours de la fin de l’année et à l’aube d’une autre, que propose la Capef pour rassurer ses ressortissants après cette tournée nationale ?
Nous avons travaillé pour rendre disponible un statut du ressortissant et nous comptons le vulgariser en début d’année. Ceci en conformité avec ce que stipulent nos textes organiques, à savoir que la Capef est une chambre consulaire pour ses ressortissants et non pour tous les acteurs ruraux. Le statut du ressortissant va lui donner des avantages pour ses activités de production mais aussi et surtout pour sa vie sociale et professionnelle.
En ce qui concerne les activités, nous avons travaillé sur un dispositif de financement et nous continuons à travailler sur les questions de sécurisation des terres. Je voudrais profiter de votre tribune pour remercier le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) qui a mis en place un comité en charge d’apporter des réponses aux préoccupations de nos ressortissants sur tout ce qui concerne le foncier.
Nous travaillons également pour mettre auprès des communes des centres de services agropastoraux. Il s’agit des structures de bases où tous les producteurs de la collectivité viendront trouver des solutions à leurs activités. Ainsi, les producteurs d’une collectivité donnée n’auront plus besoin de se déplacer pour trouver les intrants et produits phytosanitaires. Tout sera disponible sur place. Il s’agira pour nous de négocier avec les fournisseurs afin de les rendre disponibles au niveau de ce centre de service. Ces fournisseurs vont utiliser notre réseau afin de déployer toutes leurs activités commerciales dans tout le pays. Je voudrais ici souligner que le Cameroun n’innove pas en la matière. Nous avons vu comment les autres pays font et nous importons ce mécanisme. Dans la pratique, des agents seront présents dans ces centres pour répondre aux préoccupations techniques de nos ressortissants relativement à leurs exploitations.
Pour ce qui est du volet social de la Capef, nous nous engageons à faire de nos ressortissants des professionnels qui jouissent du produit de leur travail en améliorant leur cadre de vie. Nous avons travaillé dans ce sens avec la Mipromalo pour concevoir des modèles d’habitations modernes avec l’assurance d’avoir de l’eau et de l’électricité jusque dans les villages.
Par ailleurs, nous sommes en train de mettre en place des services d’assurances pour gérer les risques parce qu’aujourd’hui, nous avons des membres et ressortissants qui viennent déclarer des sinistres. A l’exemple de l’épizootie de la grippe aviaire à l’Ouest qui a sinistré les acteurs du secteur avicole sans que soit mis en place un dispositif de réparation. Au niveau de la Capef, nous avons saisi le gouvernement avec en conscience que tous ne peuvent pas être contentés. Nous avons alors mobilisé les assureurs pour qu’ils viennent nous dire quel est le type de produit ils peuvent nous proposer pour couvrir ce genre de risques. Et les assureurs nous ont fait une proposition. En début d’année prochaine, nous serons en mesure de signer une série de conventions pour que partout où un de nos membres subit un sinistre, l’assurance puisse le couvrir.
Enfin, nous avons discuté avec la Cnps de la nécessité d’assurer la sécurité sociale de nos ressortissants qui travaillent jusqu’à des âges avancés, parce qu’ils vivent au jour le jour pour subvenir à leurs besoins. A plus de 70 ans, certains agriculteurs se débrouillent encore pour survivre. Nous avons entamé des discussions qui nous ont rassurés sur les produits de sécurité sociale. En ce moment, nous nous proposons de rendre disponible en accord avec la Cnps, un produit de retraite qui permet à un jeune ressortissant qui entre dans le métier à vingt ans, de bénéficier des droits à la retraite dans ses soixante ans.
La Cnps nous a d’ailleurs dit que ces droits s’étendent à ses enfants mineurs en cas de décès de celui-ci. Tout ceci donne l’assurance aux producteurs d’avoir la même sécurité sociale que les fonctionnaires et les travailleurs régis par le code du travail.
Entretien mené par Bernard Bangda